dimanche 15 novembre 2009

Les métiers de la santé : entre théorie et pratique

Johannes Scultet (1595-1645)
L’Arcenal de chirurgie de Jean Scultet
Paris : A. Galien, 1672.
Lyon 1, BU Santé

Si dans l'aspiration encyclopédique les différentes connaissances se tiennent, depuis la philosophie naturelle jusqu'à l'anatomie et la pharmacopée, dans la pratique s'affirment les rivalités des différents corps de métiers de la médecine : médecins, chirurgiens, barbiers et apothicaires ne pratiquent pas les mêmes actes et ne jouissent pas de la même reconnaissance.

Arrêts rendus par nos Seigneurs du Grand Conseil
concernant les règlements de l'art et de la science de chirurgie
Lyon : Michel Talebard, 1667.
Lyon 1, BU Santé

Ce recueil d’arrêts et d’édits royaux est révélateur des rivalités et des écarts de statuts entre les différents métiers de la santé : distinction des chirurgiens-jurés de St Côme et des barbiers-chirurgiens qui ne peuvent pratiquer les mêmes actes, querelle des apothicaires et des chirurgiens sur la vente des potions, opposition violente entre médecins et chirurgiens. La présence de ces deux corps dans les grandes villes sera finalement reconnue comme également nécessaire, la théorie et la pratique ne pouvant se passer l’une de l’autre.

Jean Riolan
Manuel anatomique et pathologique
Lyon : Antoine Laurens, 1672.
Lyon 1, BU Santé


L’auteur s’ingénie à montrer que la chirurgie est la partie la plus parfaite et la plus utile de la médecine. Les ouvrages des chirurgiens, rédigés en français, revendiquent souvent explicitement (à la suite d’Ambroise Paré) leur rupture avec l’érudition des médecins et leur rejet de l'autorité des Anciens. Ils s’efforcent de montrer la supériorité de leur technique sur la connaissance théorique des médecins. A l’inverse ceux-ci font peu de cas de la chirurgie dans leurs ouvrages, tout en exhortant leurs aspirants à pratiquer toujours plus.

Marc-Aurèle Sèverin
Synopseos chirurgiae
Elizeum Weyerstacten, 1698
Lyon 1, BU Santé


Il fallut longtemps au chirurgien pour obtenir, par sa connaissance de l’anatomie, des potions et des instruments, la même crédibilité que le médecin avait par son érudition et la maitrise des langues anciennes ou son ancrage dans une tradition philosophique très forte. Si Montaigne écrit en 1595, après la mort d’A. Paré survenue en 1590 : « La chirurgie est beaucoup plus certaine parce qu’elle voit et manie ce qu’elle fait ; il y a moins à conjecturer et à deviner » (Essais, II, 37), il fallut cependant tout le savoir-faire de C.-F. Félix, et surtout la pugnacité de La Martinière, ami intime de Louis XV, pour que cette crédibilité ne soit pas seulement associée au prestige et à l’apparat de celui qui n’y met pas les mains, le médecin.

Ambroise Paré
Oeuvres, 10ème édition
C. Prost, 1641.
Lyon 1, BU Santé

Tous les chirurgiens n’ont pas eu le prestige de Jean Pitard, fondateur de l’ordre des chirurgiens de St-Côme, ou d’Ambroise Paré (1510-1590), le père de la chirurgie moderne.

Jean-Christophe Erhard
Pharmacopoea Wirtenbergica
1786.
Lyon 1, BU Santé


La fin d’une querelle ? Quand en 1789, Jean-Baptiste Desgranges affiche dans ses ex-libris sa qualité de « médecin et chirurgien », il est clair que la querelle entre les deux corps est en cours d'apaisement. En effet, ces deux métiers doivent faire face aux mêmes ennuis : dissolution des universités où les médecins étaient formés et des écoles savantes dont celles de chirurgie. Quelques années plus tard, ces deux corporations vont créer les universités médicales d’aujourd’hui en laissant de côté l’érudition détachée de tout exercice hospitalier et la pratique privée d’enseignement universitaire.

Daniel Sennert
Institutionum medicinae librei V,
Wittenberg : les héritiers de Zacharias Schürer, 1628.
Lyon BIU-LSH


Daniel Sennert
Institutionum medicinae librei V,
Wittenberg : les héritiers de Zacharias Schürer, 1628.
Lyon BIU-LSH

Daniel Sennert
Institutionum medicinae librei V,
Wittenberg : les héritiers de Zacharias Schürer, 1628.
Lyon BIU-LSH

Daniel Sennert
Institutionum medicinae librei V,
[Le pharmacien, détail]
Wittenberg : les héritiers de Zacharias Schürer, 1628.
Lyon BIU-LSH


Daniel Sennert
Institutionum medicinae librei V,
[Le médecin, détail]
Wittenberg : les héritiers de Zacharias Schürer, 1628.

Lyon BIU-LSH

2 commentaires:

  1. Résumé intéressant de l'évolution des métiers de la santé ainsi que des mentalités des différents corps qui le compose. Surprenant cette rivalité médecins, chirurgiens du début.

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  2. Nous vous remercions pour votre commentaire. Il est vrai que l'histoire de la médecine est aussi celle des différentes corporations, métiers et statuts.

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