dimanche 15 novembre 2009

Les médecins de théâtre : 1/4

Le Prestre Médecin insiste sur la différence entre le médecin qui n’en porte que le nom et celui qui exerce réellement. Il y est rappelé que ne peut guérir un autre que lui-même celui qui ne saurait pas se guérir lui-même.

François Aignan
Le prestre médecin
Laurent d'Houry, 1696.
Lyon 1, BU Santé

Le Malade Imaginaire
Oeuvres, nouvelle édition, tome VI
illustrations par Boucher
Paris : 1734.
Lyon BIU-LSH

Le Malade imaginaire résume, par l’intermédiaire de Béralde, cette position : « à regarder les choses en philosophe, je ne vois point de plus plaisante momerie, je ne vois rien de plus ridicule qu’un homme qui se veut mêler d’en guérir un autre ».

Les médecins de théâtre 2/4 : remèdes de charlatans ?

Un exemple d’affiche pour un remède contre tous les empoisonnements : alimentaires, liés aux morsures animales…On notera l’avertissement à se méfier des contrefaçons de ce produit.

François Disalguier, sieur de Fonblanche
Le véritable Antithan Curatif contre les venins et les poisons
Toulouse : 1657.
Lyon BIU-LSH

Aux XVIème et XVIIème siècles, le clystère représente la thérapie par excellence. Toute maladie a sa recette de clystère, adaptée à la bourse du patient. On retrouve une recette de clystère très proche dans le Malade imaginaire de Molière.

Clystère du XVIIIème siècle
Lyon 1, Musée d'anatomie

Contrairement aux idées reçues, Molière ne caricature pas : les diagnostics prononcés par ses médecins de théâtre sont ancrés dans une très solide et précise connaissance des traités médicaux du temps. Si celui prescrit par Monsieur Purgon à l’acte II, scène 5 (potage, volaille, veau, bouillon, œufs frais, petit pruneau et vin trempé) est très strictement conforme aux avis des savants du temps, l’autre, décrété pour rire par Toinette, la servante grimée en « médecin passager », en est l’envers le plus parfait : c’est une ordonnance d’épicurisme rabelaisien et de contentement du corps (bon gros bœuf, bon gros porc, fromage, gruau et oublies). Pour s’en assurer, on peut lire les conseils prodigués dans ce domaine par André Du Laurens (1558-1609), docteur et professeur d’anatomie de Montpellier, et qui fut médecin de Marie de Médicis, puis médecin ordinaire et premier médecin d’Henri IV.

Les médecins de théâtre 3/4 : sciences occultes

Ce portrait du docteur Lazare Meyssonnier (1602-1672), conseiller et médecin du roi, professeur de chirurgie à Lyon, s’accompagne d’ un « pentagramme droit », symbole alchimique de l’homme initié ainsi que du microcosme, dans lequel ici, entre chaque pointe, on lit « ΥΓΕΙΑ » (Ugeia), nom de la déesse Hygie, déesse de la santé et de la propreté.

Lazare Meyssonnier
Le médecin charitable abbrégé
Chez Pierre Compagnon, 1668.
Lyon 1, BU Santé

L'apport de Paracelse à la médecine est équivoque : grand contempteur de la médecine universitaire, et de l'autorité absolue de Galien et d'Hippocrate, il a fondé son savoir médical sur une pratique personnelle, et fut l'un des premiers à utiliser des substances chimiques, inconnues des anciens, pour leurs vertus thérapeutiques. Mais la doctrine de celui qui se proclamait médecin et philosophe repose également sur des choix théoriques qui l'inscrivent dans la tradition hermético-kabbalistique de la Renaissance. Il place ainsi, avec la philosophie, l'alchimie et la vertu, l'astronomie au fondement de la médecine : connaissance du monde céleste, elle est aussi connaissance des liens entre le macrocosme et le microcosme qu'est l'homme.

Paracelse
De summis naturae, mysteriis commentarii
Bâle : Konrad von Waldkirch, 1584.
Lyon BIU-LSH

Les médecins de théâtre 4/4 : faute ou responsabilité ?

La satire des médecins et les pointes mordantes contre la médecine forment un topos et un genre ayant leurs lettres de noblesse depuis l’Antiquité grecque. On la retrouve dans cette fable de La Fontaine, inspiré par deux apologues d’Ésope mettant en scène des médecins.

Les deux médecins
Fables choisies
Paris : Didot l'Aîné, 1787.
Lyon BIU-LSH

En se revendiquant d’Hippocrate, la défense des médecins contre l’accusation d’ignorance est un magnifique tour de force rhétorique : si les malades ne guérissent pas, la responsabilité du médecin n’est pas engagée ; pis : c’est le malade qui toujours est fautif, coupable d’« entêtement » et de mépris à l’égard des « règles de la Médecine ». Le médecin réclame un pouvoir absolu sur le patient et son obéissance parfaite. Le malade est d’ailleurs accusé de dérèglements autant moraux que physiologiques.

Traité de la Goutte dans son état naturel
Claude Jombert, 1707.
Lyon BIU-LSH

Si voler six sous conduit à l’échafaud (premier arrêt page de gauche), tuer son patient (deuxième arrêt page de droite) n’est considéré que comme un accident qui, bien qu’il ne doive pas se reproduire, ne peut pas totalement être imputé au médecin.

Nouvelle et cinsuième édition du Recueil d'arrêts notables des cours souveraines de France
Lyon : Jean de Tournes, 1568.
Lyon BIU-LSH

Santé du corps et bien de l'âme : la reprise de sagesses antiques

Au-delà de la satire des médecins,c'est la nature du bien qu'il faut rechercher qui est en question.
Le retour aux sagesses antiques apporte un certain nombre de réponses aux critiques du 17ème siècle.

La leçon de Béralde, porte-parole revendiqué de Molière à la fin du Malade imaginaire, en est un exemple. Elle pourrait être aujourd’hui qualifiée d’« anti-interventionniste ». La volonté de guérir autrui est, en soi, un projet absurde : au contraire, ne rien faire, demeurer en repos, apparaissent comme les seules attitudes propices au rétablissement du corps car elles sont fondées sur une confiance en lui et en sa « nature ». Très inspirée par Montaigne, cette ultime leçon moliéresque rejoint également, par-delà libertins et humanistes, un « souci de soi » et une sagesse de la Physis, voire du Cosmos, qui fut formulée non seulement par la plupart des philosophies antiques, mais encore par les premiers médecins eux-mêmes : Hippocrate invitait en effet à la douceur et à de multiples précautions avant d’intervenir :

« La nature est le médecin des maladies. La nature trouve pour elle-même les voies et moyens, non par intelligence ; tels sont le clignement, les offices que la langue accomplit, et les autres actions de ce genre ; la nature, sans instruction et sans savoir, fait ce qui convient».
(Épidémies 6, 5, 1)

Molière
Le Malade Imaginaire
Œuvres, nouvelle édition, tome VI
illustrations par Boucher
Paris : 1734.
Lyon BIU-LSH

Plutarque
Les œuvres morales et meslées de Plutarque
Paris : Michel de Vascosan, 1572.
Lyon BIU-LSH

Nombreux sont les philosophes de l’Antiquité pour qui la philosophie est une véritable médecine, parce qu’elle est une thérapie de l’âme. Contre l’impétuosité des désirs et des passions (chez Platon ou les stoïciens), ou contre les troubles psychiques dus aux illusions et aux terreurs sans fondement, comme celle des enfers et des châtiments divins (Épicure, 307-270 avant J.-C.), la philosophie apporte soin et soulagement, prescrivant comme remède l’usage de la raison ou la pratique des vertus.

Martin le Roy Gomberville
Le théâtre moral de la vie humaine
Bruxelles, F Hoppens, 1678.
Lyon BIU-LSH

L'ouvrage est d'inspiration stoïcienne. Pour le stoïcien Chrysippe (280-206 avant J.-C.), la passion est une maladie de l’âme analogue au mal corporel, une « maladie de l’âme tout à fait semblable aux états fébriles du corps », et seule la philosophie peut la soigner. Cicéron (106-43 avant J.-C.) reproduit ses thèses dans les Tusculanes :

« Tout comme la santé, c'est pour le corps l'état d'harmonie qui résulte de la concordance des éléments dont nous sommes constitués, de même on dit qu'il y a santé de l'âme quand ses jugements et opinions concordent»
(Tusculanes, IV, XII, 30 ; Les Belles Lettres, t. II, p. 69).

Ignorance et passion du vrai sont deux maladies que l’homme raisonnable doit également fuir.

Ce qu'il reste d'hippocratisme

La pensée d’Hippocrate influence encore au XIXème siècle certaines thérapeutiques.
L’homéopathie en reprend ainsi le principe de similitude.

Samuel Hahnemann
Exposé de la doctrine homéopathique
J.B Baillère, 1856.
Lyon 1, BU Santé

De la même manière certains textes reprennent à leur compte des principes de Galien tels que l’injonction faite aux savants de prendre soin d’eux pour éviter les maladies nerveuses et autres symptômes des esprits trop mis à l’épreuve.

De l'hygiène des gens de lettres
Méquignon, 1819.
Lyon 1, BU Santé

Néanmoins, le XIXème siècle voit la fin de la reconnaissance du corpus antique comme textes scientifiques. L’édition de Littré donne de nouvelles lettres de noblesse aux textes d’Hippocrate mais représente ce moment charnière où de médicale la lecture en devient philologique. La médecine se définit comme scientifique et expérimentale et se défait de la tradition ; on ne lit plus Galien que comme un modèle de l’école empirique grecque.


Emile Littré
Oeuvres complètes d'Hippocrate
J.B Baillère, 1839-1861.
Lyon 1, BU Santé

Spécialisation et technicisation de la médecine

La médecine a bénéficié de l’essor technique du 19ème siècle ; de nouveaux instruments font leur apparition : microscopes, appareils de radiographie…La vision du corps et de la maladie évolue en conséquence.


L'étudiant micrographe
Delayahe, 1865.
Lyon 1, BU Santé

Les causes internes des maladies sont connues plus en profondeur (anatomie-pathologie…) et les agents extérieurs, invisibles auparavant (les microbes par exemple), sont découverts.

Rudolf Virchow
la pathologie cellulaire basée sur l'étude physiologique te pathologique des tissus
Baillière, 1861.
Lyon 1, BU Lyon

La médecine éclate en une pluralité de spécialités.


Quelques ouvrages
du fonds de médecine XIXème siècle
de la BU santé de Lyon 1

 

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