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dimanche 15 novembre 2009

Médecine et philosophie dans les systèmes du savoir

Le XVIe siècle vit s'affirmer une volonté encyclopédique d'exposition exhaustive des connaissances humaines, et d'organisation de l'ensemble du savoir. Cette aspiration traverse des formes très diverses, du recueil de lieux communs à la description poétique universelle.

Theodor Zwinger
Theatrum vitae humanae
Paris : Nicolas Chesneau, 1572.
Lyon BIU-LSH


Zwinger, médecin et érudit bâlois, reprit les travaux de Conrad Lycosthènes pour publier le Théâtre de la vie humaine, somme de toutes les connaissances présentes chez les auteurs anciens et contemporains. Cet ouvrage connut un grand succès, et de nombreuses rééditions jusqu'au XVIIe siècle. La présentation par tables dichotomiques est un procédé devenu fréquent dans les manuels et les éditions des corpus anciens, et notamment dans celles que Zwinger a données d'Hippocrate et d'Aristote. Ces tables s'ajoutent aux index et tables des matières pour faciliter l'usage de l'ouvrage, mais également pour en organiser intellectuellement le contenu, selon des distinctions aristotéliciennes. La médecine apparaît ici comme la mise en pratique, pour l'utilité de la vie humaine, de la science des choses corporelles concrètes, dont la philosophie naturelle est la théorie.

Pour Aristote (384-322 avant J.-C.), issu lui-même d’une illustre lignée de médecins, le philosophe de la nature, le naturaliste, doit s’inspirer du savoir médical. Inversement, le médecin doit acquérir des compétences en philosophie naturelle. Médecine et philosophie naturelle sont donc étroitement liées. C’est par cette thèse qu’il conclut son traité De la vie et de la mort :

« Ce n'est pas seulement au médecin, mais aussi, jusqu’à un certain point, au naturaliste qu’il revient d'exposer les causes de la santé et de la maladie. Les aspects sous lesquels ils diffèrent et sous lesquels diffèrent aussi les objets qu’ils étudient ne doivent pas nous échapper, bien que les faits montrent que, jusqu’à un certain point, leurs domaines respectifs ont une réelle affinité. En effet, tous les médecins cultivés et curieux disent quelque chose sur la nature et jugent convenable d’y puiser leurs principes et, parmi ceux dont l’affaire est d’étudier la nature, les plus habiles terminent en quelque sorte leurs recherches avec les principes de la médecine »

Guillaume de Saluste Du Bartas
Première sepmaine ou Création du monde
Rouen : raphaël du Petit Val, 1602.
Lyon BIU-LSH


Ce foisonnant poème encyclopédique, qui à travers le récit de la création du monde fait l'exposé de toutes les connaissances de l'époque, valut à Du Bartas un succès considérable, et fut abondamment lu, édité, traduit, depuis sa parution en 1578. Il est ici commenté par l'auteur lui-même. Le sixième jour de la première semaine présente une minutieuse description du corps humain. A la description poétique des oreilles, métaphorique mais néanmoins précise et technique, s'ajoute une référence à Ambroise Paré.

Une figure de philosophe : Descartes

René Descartes
De homine figuris
Leyde : Peter Leffen et Franciscus Moyaerd, 1662.
Figures mobiles gravées sur bois et sur cuivre
Lyon BIU-LSH

Le mécanisme cartésien s’attache à produire une explication mathématique des phénomènes naturels. De même que le monde est régi par un mouvement circulaire permettant d’en mettre au jour les lois de fonctionnement, de même, le corps humain est régulé par la circulation du sang et maintenu en vie par la pompe à chaleur cardiaque. La distinction radicale des substances pensante et corporelle fonde l’autonomie de cette dernière et justifie le projet d’une physique et d’une médecine nouvelles, congédiant toute « âme », « faculté » ou « qualité occulte » que ce soit.

René Descartes
De homine figuris
Leyde : Peter Leffen et Franciscus Moyaerd, 1662.
Figures mobiles gravées sur bois et sur cuivre
Lyon BIU-LSH

Il est pourtant un être dans lequel l’âme et le corps sont unis et agissent l’un sur l’autre : c’est l’homme. En vertu d’une institution de nature dont Dieu seul connaît les raisons, mais dont l’esprit humain peut connaître le fonctionnement, tout mouvement du corps induit ainsi une pensée dans l’âme et les pensées de l’âme ont des effets physiologiques. Cette conversion s’opère dans la glande pinéale, figurée chez Descartes, comme c’était le cas chez Bauhin, par la lettre H.

Theatrum anatomicum novis figuris aeneis illustratum
Frankfurt am Main : Matthias Becker, 1605.
Lyon 1, BU Santé

Il devient ainsi possible d’élaborer une médecine philosophique, c’est-à-dire une médecine prenant en charge le composé humain. Elle entend se fonder sur une connaissance précise de la physiologie des passions et engager cette « force d’âme » dont la correspondance avec Elisabeth et le traité des Passions de l’âme décrivent exemplairement la nature et les effets.


Descartes à Elisabeth, juillet 1644 :

La lettre de Votre Altesse « m'aurait entièrement rendu heureux, si elle ne m'avait appris que la maladie qu'avait Votre Altesse, auparavant que je partisse de La Haye, lui a encore laissé quelques restes d'indisposition en l'estomac. Les remèdes qu'elle a choisis, à savoir la diète et l'exercice, sont, à mon avis, les meilleurs de tous, après toutefois ceux de l'âme, qui a sans doute beaucoup de force sur le corps, ainsi que montrent les grands changements que la colère, la crainte et les autres passions excitent en lui. Mais ce n'est pas directement par sa volonté qu'elle conduit les esprits dans les lieux où ils peuvent être utiles ou nuisibles; c'est seulement en voulant ou pensant à quelqu'autre chose. Car la construction de notre corps est telle, que certains mouvements suivent en lui naturellement de certaines pensées: comme on voit que la rougeur du visage suit de la honte, les larmes de la compassion, et le ris de la joie. Et je ne sache point de pensée plus propre pour la conservation de la santé, que celle qui consiste en une forte persuasion et ferme créance, que l'architecture de nos corps est si bonne que, lorsqu'on est une fois sain, on ne peut pas aisément tomber malade, si ce n'est qu'on fasse quelque excès notable, ou bien que l'air ou les autres causes extérieures nous nuisent; et qu'ayant une maladie, on peut aisément se remettre par la seule force de la nature, principalement lorsqu'on est encore jeune. Cette persuasion est sans doute beaucoup plus vraie et plus raisonnable, que celle de certaines gens, qui, sur le rapport d'un astrologue ou d'un médecin, se font accroire qu'ils doivent mourir en certain temps, et par cela seul deviennent malades, et même en meurent assez souvent, ainsi que j'ai vu arriver à diverses personnes. »


René Descartes
Passiones animae
Amsterdam : Daniel et Ludovic Elzevier, 1664.
Lyon BIU-LSH

René Descartes
Principia philosophia
Amsterdam : Daniel Elzevier, 1664
Lyon BIU-LSH

 

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